Odisea Chili 04/10/2016
"Bonjour à tous,
Au passage, petit remerciement au personnel de la compagnie Latam qui s’est montré très compréhensif en nous voyant débarquer au comptoir d’enregistrement avec 300 kg de matériel.
Après une journée de préparation logistique (matériel, nourriture, analyse des rapports météo) nous avons pris la route du volcan Osorno. Jose Miguel, un des meilleurs guides de la région nous accompagnera durant ces 3 jours d’ascension.
Le volcan Osorno est une montagne complexe à conquérir. Sa proximité avec l’océan rend la météo imprévisible, et sa forme conique, spécifique des strato-volcans, génère des vents d’une puissance inouïe. Les accidents sont fréquents sur le sommet, aussi le parc national interdit toute nuit sur la montagne. Heureusement, Jose a quelques connaissances biens placées dans les instances ministérielles et nous parvenons à obtenir un passe-droit pour bivouaquer 2 nuits sur le volcan.
Avec le matériel vidéo et les splitboards, nous avons chacun entre 25 et 30 kg sur les épaules, et 1800 mètres de dénivelés positifs à gravir. Nous attaquons l’ascension par la face Nord et projetons de redescendre, si le temps le permet, par la face Sud. Il nous faudra alors sortir les cordes de rappel et dégringoler une pente de glace sur 200m, avec une inclinaison avoisinant les 70°, ce qui, avec mon vertige, relève d’une prouesse de premier ordre.
Les paysages qui nous entourent sont d’une beauté rare. Au sable basaltique (éparpillé par l’éruption phénoménale du volcan Calbulco un an auparavant) se succède bientôt la neige molle de cette fin d’hiver. Le temps est clair, l’azur rayonne au-dessus des têtes. Nous installons le camp 1 à flanc de montagne, à 1800 mètres d’altitude après 6 heures de marche. Nous délimitons l’emplacement, terrassons la neige à grand coup de pelles, et bâtissons des murs pour se protéger des vents. Avec Mathieu, nous profitons des dernières lueurs du jour pour tracer nos premières lignes dans une neige immaculée. Extase suprême…
Au loin, la mer de nuages enveloppe les sommets comme des îles merveilleuses.
Les nuits sont glaciales sur la montagne. Offerts aux bons vouloir des vents, nous prélevons à même le sol la neige qui permettra la préparation des soupes et du thé. Les menus sont rudimentaires et peu variés, mais après l’effort d’une marche, ils n’en demeurent pas moins les meilleurs repas du monde. Aucun met ne peut surpasser une soupe aux vermicelles dans le silence mystérieux des hauteurs.
Le lendemain, le soleil a laissé place au jour blanc. La visibilité est nulle, les perspectives s’estompent, le vent rugit dans le lointain. Nous enfilons nos baudriers, chaussons les crampons et martelons la glace avec nos piolets. L’ascension est longue et périlleuse. Plus personne ne parle. Chacun se concentre à assurer ses prises pour ne pas dévisser et plonger plusieurs centaines de mètres plus bas. Nous avançons à pas de fourmi, chaque pas précédent mille pas semblables. Dans cette purée de pois, on ne distingue plus aucun relief ni aucune mesure de temps. Un brouillard constant qui étouffe non seulement la lumière et les bruits, mais déforme la vision du monde. Nous disparaissons petit à petit dans les brumes des hautes sphères.
Après 6h de marche, nous parvenons finalement au sommet. Le vent glacial s’immisce partout, fouettant nos visages et paralysant nos corps. Il nous faut vite trouver refuge ou creuser la neige pour installer le camp. Jose nous entraîne alors un peu plus loin, à l’intérieur d’une combe où un tunnel semble s’enfoncer vers les profondeurs de la terre. C’est complètement irréel, nous voilà désormais à l’abri dans un cloître de glace, passant d’un monde en furie à un univers calme et solennel.
Jose jubile : « Nous avons de la chance, normalement à cette époque de l’année, l’ouverture de la « Cathédrale » est recouverte par plusieurs mètres de neige. Mais l’hiver 2016 s’est montré plutôt doux et l’entrée de la grotte nous est accessible. Nous allons être comme des rois pour attendre la fin de la tempête. »
Nous voilà donc sous le glacier, explorant les différentes cavités comme des spéléologues en herbe. Même si le froid et l’humidité persistent, nous sommes bel et bien à l’abri des intempéries. Nous installons le camp dans une grande nef aux reflets bleus. De puissants stalactites surplombent la voûte et les cristaux de glace luisent sous les faisceaux de lampe.
Le lendemain, le temps est au beau fixe. Nous regagnons l’air libre et jouissons d’un panorama exceptionnel sur les environs. A perte de vue se succèdent une profusion de lacs et de volcans jusqu’à la cordillère des Andes qui se dresse comme un rempart sur l’horizon. Nous ressentons alors ce sentiment si spécial, récurant à l’ascension d’une montagne, celui de l’objectif accompli : la conquête du sommet. Bien que loin de l’Everest, nous sommes sur le toit de notre monde, ensemble et heureux.
Il est maintenant temps d’attaquer la descente en rappel. Chargés de nos sacs et des snowboards, la tâche n’est pas des plus aisées. Je regarde tant bien que mal devant moi pour ne pas laisser l’œil s’attacher au vide, et régule ma descente pas par pas. Certaines protubérances de glace sont difficiles à franchir, Mathieu trébuche sur l’une d’elle et se retrouve suspendu dans le vide, plié de rire.
Une fois parvenus au pied du glacier, nous pouvons enfin chausser les snowboards. Quel sentiment de liberté absolue, nous sommes des privilégiés dans un monde vierge de toute trace humaine. Malgré son lourd paquetage, Mathieu prend de l’amplitude et trace des courbes acérées sur les raides parois qui nous entourent. Quant à moi, je prends un pied phénoménal à dévaler cette montagne sur laquelle semble s’appuyer le ciel. Le snowboard est un jeu de petit homme pratiqué sur un terrain de géant. Pas étonnant que ces massifs solitaires chargés de mystères aient depuis toujours représenté le domaine des Dieux.
Nous arrivons au pied de la montagne peu avant la nuit. Demain débutera la deuxième partie de l’expédition avec la descente en packraft du rio Petrohue.
Nous vous enverrons dès que possible les suites de l’aventure Odisea.
Bien à vous
Damien et Mathieu
Crédit: ODISEA/GREG RABEJAC
Au passage, petit remerciement au personnel de la compagnie Latam qui s’est montré très compréhensif en nous voyant débarquer au comptoir d’enregistrement avec 300 kg de matériel.
Après une journée de préparation logistique (matériel, nourriture, analyse des rapports météo) nous avons pris la route du volcan Osorno. Jose Miguel, un des meilleurs guides de la région nous accompagnera durant ces 3 jours d’ascension.
Le volcan Osorno est une montagne complexe à conquérir. Sa proximité avec l’océan rend la météo imprévisible, et sa forme conique, spécifique des strato-volcans, génère des vents d’une puissance inouïe. Les accidents sont fréquents sur le sommet, aussi le parc national interdit toute nuit sur la montagne. Heureusement, Jose a quelques connaissances biens placées dans les instances ministérielles et nous parvenons à obtenir un passe-droit pour bivouaquer 2 nuits sur le volcan.
Avec le matériel vidéo et les splitboards, nous avons chacun entre 25 et 30 kg sur les épaules, et 1800 mètres de dénivelés positifs à gravir. Nous attaquons l’ascension par la face Nord et projetons de redescendre, si le temps le permet, par la face Sud. Il nous faudra alors sortir les cordes de rappel et dégringoler une pente de glace sur 200m, avec une inclinaison avoisinant les 70°, ce qui, avec mon vertige, relève d’une prouesse de premier ordre.
Les paysages qui nous entourent sont d’une beauté rare. Au sable basaltique (éparpillé par l’éruption phénoménale du volcan Calbulco un an auparavant) se succède bientôt la neige molle de cette fin d’hiver. Le temps est clair, l’azur rayonne au-dessus des têtes. Nous installons le camp 1 à flanc de montagne, à 1800 mètres d’altitude après 6 heures de marche. Nous délimitons l’emplacement, terrassons la neige à grand coup de pelles, et bâtissons des murs pour se protéger des vents. Avec Mathieu, nous profitons des dernières lueurs du jour pour tracer nos premières lignes dans une neige immaculée. Extase suprême…
Au loin, la mer de nuages enveloppe les sommets comme des îles merveilleuses.
Les nuits sont glaciales sur la montagne. Offerts aux bons vouloir des vents, nous prélevons à même le sol la neige qui permettra la préparation des soupes et du thé. Les menus sont rudimentaires et peu variés, mais après l’effort d’une marche, ils n’en demeurent pas moins les meilleurs repas du monde. Aucun met ne peut surpasser une soupe aux vermicelles dans le silence mystérieux des hauteurs.
Le lendemain, le soleil a laissé place au jour blanc. La visibilité est nulle, les perspectives s’estompent, le vent rugit dans le lointain. Nous enfilons nos baudriers, chaussons les crampons et martelons la glace avec nos piolets. L’ascension est longue et périlleuse. Plus personne ne parle. Chacun se concentre à assurer ses prises pour ne pas dévisser et plonger plusieurs centaines de mètres plus bas. Nous avançons à pas de fourmi, chaque pas précédent mille pas semblables. Dans cette purée de pois, on ne distingue plus aucun relief ni aucune mesure de temps. Un brouillard constant qui étouffe non seulement la lumière et les bruits, mais déforme la vision du monde. Nous disparaissons petit à petit dans les brumes des hautes sphères.
Après 6h de marche, nous parvenons finalement au sommet. Le vent glacial s’immisce partout, fouettant nos visages et paralysant nos corps. Il nous faut vite trouver refuge ou creuser la neige pour installer le camp. Jose nous entraîne alors un peu plus loin, à l’intérieur d’une combe où un tunnel semble s’enfoncer vers les profondeurs de la terre. C’est complètement irréel, nous voilà désormais à l’abri dans un cloître de glace, passant d’un monde en furie à un univers calme et solennel.
Jose jubile : « Nous avons de la chance, normalement à cette époque de l’année, l’ouverture de la « Cathédrale » est recouverte par plusieurs mètres de neige. Mais l’hiver 2016 s’est montré plutôt doux et l’entrée de la grotte nous est accessible. Nous allons être comme des rois pour attendre la fin de la tempête. »
Nous voilà donc sous le glacier, explorant les différentes cavités comme des spéléologues en herbe. Même si le froid et l’humidité persistent, nous sommes bel et bien à l’abri des intempéries. Nous installons le camp dans une grande nef aux reflets bleus. De puissants stalactites surplombent la voûte et les cristaux de glace luisent sous les faisceaux de lampe.
Le lendemain, le temps est au beau fixe. Nous regagnons l’air libre et jouissons d’un panorama exceptionnel sur les environs. A perte de vue se succèdent une profusion de lacs et de volcans jusqu’à la cordillère des Andes qui se dresse comme un rempart sur l’horizon. Nous ressentons alors ce sentiment si spécial, récurant à l’ascension d’une montagne, celui de l’objectif accompli : la conquête du sommet. Bien que loin de l’Everest, nous sommes sur le toit de notre monde, ensemble et heureux.
Il est maintenant temps d’attaquer la descente en rappel. Chargés de nos sacs et des snowboards, la tâche n’est pas des plus aisées. Je regarde tant bien que mal devant moi pour ne pas laisser l’œil s’attacher au vide, et régule ma descente pas par pas. Certaines protubérances de glace sont difficiles à franchir, Mathieu trébuche sur l’une d’elle et se retrouve suspendu dans le vide, plié de rire.
Une fois parvenus au pied du glacier, nous pouvons enfin chausser les snowboards. Quel sentiment de liberté absolue, nous sommes des privilégiés dans un monde vierge de toute trace humaine. Malgré son lourd paquetage, Mathieu prend de l’amplitude et trace des courbes acérées sur les raides parois qui nous entourent. Quant à moi, je prends un pied phénoménal à dévaler cette montagne sur laquelle semble s’appuyer le ciel. Le snowboard est un jeu de petit homme pratiqué sur un terrain de géant. Pas étonnant que ces massifs solitaires chargés de mystères aient depuis toujours représenté le domaine des Dieux.
Nous arrivons au pied de la montagne peu avant la nuit. Demain débutera la deuxième partie de l’expédition avec la descente en packraft du rio Petrohue.
Nous vous enverrons dès que possible les suites de l’aventure Odisea.
Bien à vous
Damien et Mathieu
Crédit: ODISEA/GREG RABEJAC